dimanche 27 septembre 2015

Hollywood Vampires vu par le Figaro : pourquoi une telle hargne ?


S'il y a une notion qui prouve bien que l'objectivité est bien impossible à atteindre en journalisme, c'est bien celle de "supergroupe" ou, dans une moindre mesure, celle de reprise. Car oui, la critique musicale est aussi un lieu où s'exprime la subjectivité, loin des rivages de la tempérance souvent prônés par les critiques de Télérama qui soufflent le chaud et le froid dans une même critique. Je ne reproche rien, je fais pareil.

Cependant, trop de négatif finit par tuer le négatif et on se dit que le journaliste (eh oui, bien souvent ce sont des journalistes), finit par tirer sur une ambulance qui roule plus spécialement vite. C'est en tous cas ce que j'ai ressenti à la lecture de cet article du Figaro. Bon, après, c'est dit dès le départ, c'est une tribune, on sait très bien que l'auteur va enfoncer tout ce qu'il pourra enfoncer sans apporter la contradiction et sans nuance (c'est un exercice de style, vous allez me dire). Et c'est Le Figaro. Ça étonne qui ?

Bon. Je trouve que ça commence mal. Dès le chapô, l'auteur de la tribune balance un p'tit point Godwin bien senti et qui daube un peu. Oui, il parle de "crime contre l'humanité". C'est peut-être un peu fort. C'est fait pour accrocher le lecteur ? Je trouve ça putassier et pas forcément utile. Et, dans mon monde, la notion de "crime contre l'humanité" signifie plutôt : "violation délibérée et ignominieuse des droits fondamentaux d'un individu ou d'un groupe d'individus inspirée par des motifs politiques, philosophiques, raciaux ou religieux". Je crois pas qu'Alice Cooper et Johnny Depp ont violé des droits fondamentaux d'un individu ou d'un groupe pour X motifs.

Je passe la comparaison douteuse avec la sextape de Kim Kardashian. Encore, elle aurait sorti un album de reprises, je veux bien. Mais de là à comparer cela à une sextape parce que ça se passe "entre adultes consentant", c'est juste consternant.

L'objet du délit
Ensuite, notre bon tribun fait un constat : OH MON DIEU MAIS EN PLUS ILS VENDENT LEUR TRAVAIL LES RATS. Un album qui, soit dit en passant, est composé de reprises, ce qui semble un peu étonner. La reprise est, je pense, un genre à part entière. C'est un chouilla compliqué de retaper le boulot d'un autre, surtout que, comme le souligne Joseph Achoury, ce sont "des classiques". Raison de plus pour s'y attaquer, à mon sens.

Première contradiction, il nous parle de "composition". On m'a parlé d'un album de reprises. M'aurait-on donc menti ? My Generation, génial titre des Who (je le rejoins), mais que je retrouve assez bien dans la reprise ici présentée, un peu plus musclée, un peu moins sixties, un peu moins clichée à mon sens. Parce que je trouve qu'il n'y a rien de plus cliché que le mouvement Mob.

Ah, les guests qui "viennent cachetonner". M'est d'avis qu'à leur niveau de réputation, chacune des personnes présentes le fait pour l'amour de la musique. La thune, je pense que Paul McCartney, Brian Johnson, Slash ou encore Dave Grohl n'en sont plus à ça près. Non, sérieux, quand on a la carrière de Brian Johnson, c'est pas avec deux apparitions sur un album de reprises qu'on va faire péter les plafonds de l'IRS.

Brian Johnson "qui vient massacrer de ses couinements de chat aux couilles coincées dans une porte une abominable version de School's Out". Alors de deux choses l'une. Ouais, Brian Johnson a une voix particulière. Mais c'est pour ça qu'il est dans AC/DC depuis 35 piges maintenant. Je suis pas trop fan non plus de sa voix, je préfère largement Bon Scott. Mais on va un peu loin dans l'analogie. Un chat avec les couilles coincées dans la porte ? Wow. Such wow. Many much dude.

La reprise de School's Out, avec laquelle notre bon rédacteur retente une petite comparaison sortie de derrière les fagots en disant qu'Alice Cooper "en plus de tabasser les enfants des autres, bat les siens !" Il y a un petit truc qui me gêne. Mais ça doit être mon esprit étriqué de gauchiste bien pensant qui refait surface. C'est vrai.

Je vous passe les deux derniers paragraphes, qui sont un ramassis de critique de la société gauchisée qui n'accepte pas que l'on puisse critiquer les idoles et que l'on puisse penser une seule seconde qu'un album comme celui des Hollywood Vampires n'est pas si bon que ça.


Je vais quand même donner mon avis. Je le rejoins sur certaines choses. Quelques morceaux sont assez dispensables, comme le medley avec Another Brick in the Wall. D'un point de vue complètement musical, ça sonne pas. Brian Johnson pousse des couinements comme sur les derniers albums d'AC/DC, je ne pense pas que ce soit indispensable pour apprécier le projet. Il y a des reprises qui mériteraient d'être menées à terme, et pas de les fourrer dans un medley sans nom, comme Five to One, des Doors. Le synthé est excellent, la rythmique est lourde et épaisse, la voix de Cooper tombe parfaitement dessus. Pareil pour Break on Through. Mais le medley est pas top, quoi. Y'a des bonnes idées, mais exécutées de manière assez cheap. C'est un sacré dilemme. Il manque deux ou trois gros coupes de saton dans la fourmilière. L'harmonica de Whole Lotta Love est génial, la basse est groovy. Alice Cooper tente de crooner, c'est pas son genre mais l'effort doit être salué. J'ai un peu de mal avec Brian Johnson même s'il passe nettement mieux que sur School's Out. Il se rapproche de ce qu'aurait pu faire Robert Plant.

Quant à la notion de supergroupe, je pense que c'est, là aussi, une subjectivité totale. Ici, il manque peu de choses pour que ça marche. On ne ressent pas assez l'unicité de chaque musicien. On est confronté à la présence d'Alice Cooper. Le reste, c'est "juste" un groupe. Il n'y a pas la petite touche apportée par chaque musicien. C'est dommage. On passe pas loin d'un album abouti, je pense. Peut-être un peu trop d'invités, aussi. On se rapproche de ce qu'a pu faire Slash pour son album éponyme, sans l'effort de composition derrière. Alice Cooper est, à mon avis, bien meilleur que sur son dernier album vomitif et hommage à l'inventeur du Vocoder.