dimanche 22 novembre 2015

"CHILDREN OF LUXEMBOURG !"

Mercredi 18 novembre 2015.
L'air luxembourgeois est frais.

On galère pour trouver une place, on est pas en panique, mais presque. On a réussi à passer la frontière sans problème. D'ailleurs, personne ne regrette, dans la voiture, d'avoir fait l'aller-retour, même "pour voir". On est là, du coup, devant L'Atelier, à 19h30. Pour voir Ghost. Pour communier méchamment avec Papa Emeritus III et ses Ghouls. On avait les places depuis le mois d'août. Mais on a hésité comme des tarés. A cause de ces putains d'attentats. A cause de cette putain de terreur. A cause de cette putain de crainte, cette putain de fébrilité qui paralyse la France.

On se chope un bout de trottoir à moins de cent mètres de la salle. J'ai pris mon appareil photo. Au moment des fouilles, le vigile me dit que ça va pas être possible. Il me propose d'aller le mettre au vestiaire. Comme un con, je ne vois pas l'appel du pied qu'il me fait. Sur le coup, j'ai aucune envie de laisser mon appareil dans le vestiaire, bordel. Mais je comprends pas que c'est une manière détournée de me dire "Tu peux le prendre, hein. Moi je fais juste mon boulot, je te dis que tu peux le mettre aux vestiaires". Je le comprends en remontant dans la voiture, vers 23h30, quand on repart. Mais, d'un autre côté, je suis content. J'ai profité du concert en intégralité. J'ai passé tellement de concerts rivé sur mon appareil à prendre des vidéos que maintenant, je préfère en profiter. Les gens n'ont qu'à payer leurs places. Et je regarde jamais les vidéos que je prends. Alors à quoi bon ?


La claque de l'année


L'Atelier, c'est une salle en forme de diamant, avec une toute petite scène coincée tout au bout. On se dit que, putain, caser les six mecs dessus, ça risque d'être compliqué, mais en fait non. On attend. Beaucoup. On s'est chopé une place dans une sorte de mezzanine. On est pas dans la fosse, y'avait déjà plus de place quand on est arrivé. Plus de place près de la scène, je veux dire. On est assis sur une estrade. D'ici, la vue sur la scène est pas mal. On espère juste qu'ils vont éteindre le lustre qu'on a en plein dans le champ de vision.


Du coin de l'oeil, en me concentrant, je vois la scène, pour le groupe de première partie. Deux grosses boîtes à rythme de bourrins, un genre de launchpad. Derrière, deux Fender Mustang blanche. Trois micros, dont un au centre. Rien de plus. Scène dépouillée. Un minimalisme presque inquiétant. C'est la première partie de Ghost, bordel ! Là, les lumières de la salle s'éteignent. Deux mecs se collent derrière les launchpads, prennent leur Mustang et lancent une boucle électro, une rythmique qui me perce le bide. Les mecs sont trois. Le chanteur arrive peu après. Un style à la Heisenberg. Un bouc, des lunettes de soleil un chapeau et un charisme de taré. Un set efficace et percutant. Avec des basses souvent trop présentes, mais certainement dues à l'acoustique de la salle et aux réglages des ingés sons plutôt qu'au groupe (ça a été pareil pour Ghost). Un set d'une demi-heure, trois-quarts d'heure. Dantesque. On se rapproche des mélodies de Portishead mais plus encore de Massive Attack. C'est lourd, c'est envoûtant. Il ne m'en faut pas plus. Je passe le reste du set les yeux fermer, à kiffer comme un malade (oui, kiffer). Le temps s'arrête. Je vais faire une chronique de leur dernier album, d'ailleurs, parce que bordel.


Que la messe commence !



Fin du set de Dead Soul. Claque gigantesque. J'ai retrouvé une sorte de complétude musicale que je n'avais pas connue depuis Otta. Le changement de plateau pour Ghost est assez long. Je serais cependant incapable d'en déterminer la durée. Lumière bleue et musique religieuse, odeur d'encens d'église. Une ambiance particulière s'instaure. Premier morceau : Spirit. Enchaîné directement avec From the Pinnacle to the Pit. Tout le monde communie avec Papa et ses Ghouls. Tout le monde est, paradoxalement, au Paradis. Au milieu du set, après un morceau, Papa fixe la foule et nous dit à quel point on est bien et que ça serait quand même foutrement dommage d'avoir peur. Qu'on est là pour faire la fête et basta. Parodie de messe oblige, deux filles montent sur scène déguisées en nonnes, les "Sisters of Sin", qui ne savent pas trop trop bien où aller, tout comme Papa Emeritus, qui est obligé de voir avec la technique. Communier avec le sang et le corps de l'Antéchrist. Papa Emeritus qui arrive avec son encensoir (un vrai, un magnifique, comme celui que je voudrais avoir parce que c'est tellement classe). La communion dure une heure et demie, une heure quarante-cinq. On sait pas trop.

Sous le choc. Une espèce de transe. J'ai plus de voix, j'arrive à peine à chanter. J'ai mal aux bras. Mais je suis heureux. Et j'ai une lithographie de bourrin et un CD de Dead Soul. Il ne m'en faudra pas plus. Soirée d'enfer, au sens propre comme au figuré.

dimanche 27 septembre 2015

Hollywood Vampires vu par le Figaro : pourquoi une telle hargne ?


S'il y a une notion qui prouve bien que l'objectivité est bien impossible à atteindre en journalisme, c'est bien celle de "supergroupe" ou, dans une moindre mesure, celle de reprise. Car oui, la critique musicale est aussi un lieu où s'exprime la subjectivité, loin des rivages de la tempérance souvent prônés par les critiques de Télérama qui soufflent le chaud et le froid dans une même critique. Je ne reproche rien, je fais pareil.

Cependant, trop de négatif finit par tuer le négatif et on se dit que le journaliste (eh oui, bien souvent ce sont des journalistes), finit par tirer sur une ambulance qui roule plus spécialement vite. C'est en tous cas ce que j'ai ressenti à la lecture de cet article du Figaro. Bon, après, c'est dit dès le départ, c'est une tribune, on sait très bien que l'auteur va enfoncer tout ce qu'il pourra enfoncer sans apporter la contradiction et sans nuance (c'est un exercice de style, vous allez me dire). Et c'est Le Figaro. Ça étonne qui ?

Bon. Je trouve que ça commence mal. Dès le chapô, l'auteur de la tribune balance un p'tit point Godwin bien senti et qui daube un peu. Oui, il parle de "crime contre l'humanité". C'est peut-être un peu fort. C'est fait pour accrocher le lecteur ? Je trouve ça putassier et pas forcément utile. Et, dans mon monde, la notion de "crime contre l'humanité" signifie plutôt : "violation délibérée et ignominieuse des droits fondamentaux d'un individu ou d'un groupe d'individus inspirée par des motifs politiques, philosophiques, raciaux ou religieux". Je crois pas qu'Alice Cooper et Johnny Depp ont violé des droits fondamentaux d'un individu ou d'un groupe pour X motifs.

Je passe la comparaison douteuse avec la sextape de Kim Kardashian. Encore, elle aurait sorti un album de reprises, je veux bien. Mais de là à comparer cela à une sextape parce que ça se passe "entre adultes consentant", c'est juste consternant.

L'objet du délit
Ensuite, notre bon tribun fait un constat : OH MON DIEU MAIS EN PLUS ILS VENDENT LEUR TRAVAIL LES RATS. Un album qui, soit dit en passant, est composé de reprises, ce qui semble un peu étonner. La reprise est, je pense, un genre à part entière. C'est un chouilla compliqué de retaper le boulot d'un autre, surtout que, comme le souligne Joseph Achoury, ce sont "des classiques". Raison de plus pour s'y attaquer, à mon sens.

Première contradiction, il nous parle de "composition". On m'a parlé d'un album de reprises. M'aurait-on donc menti ? My Generation, génial titre des Who (je le rejoins), mais que je retrouve assez bien dans la reprise ici présentée, un peu plus musclée, un peu moins sixties, un peu moins clichée à mon sens. Parce que je trouve qu'il n'y a rien de plus cliché que le mouvement Mob.

Ah, les guests qui "viennent cachetonner". M'est d'avis qu'à leur niveau de réputation, chacune des personnes présentes le fait pour l'amour de la musique. La thune, je pense que Paul McCartney, Brian Johnson, Slash ou encore Dave Grohl n'en sont plus à ça près. Non, sérieux, quand on a la carrière de Brian Johnson, c'est pas avec deux apparitions sur un album de reprises qu'on va faire péter les plafonds de l'IRS.

Brian Johnson "qui vient massacrer de ses couinements de chat aux couilles coincées dans une porte une abominable version de School's Out". Alors de deux choses l'une. Ouais, Brian Johnson a une voix particulière. Mais c'est pour ça qu'il est dans AC/DC depuis 35 piges maintenant. Je suis pas trop fan non plus de sa voix, je préfère largement Bon Scott. Mais on va un peu loin dans l'analogie. Un chat avec les couilles coincées dans la porte ? Wow. Such wow. Many much dude.

La reprise de School's Out, avec laquelle notre bon rédacteur retente une petite comparaison sortie de derrière les fagots en disant qu'Alice Cooper "en plus de tabasser les enfants des autres, bat les siens !" Il y a un petit truc qui me gêne. Mais ça doit être mon esprit étriqué de gauchiste bien pensant qui refait surface. C'est vrai.

Je vous passe les deux derniers paragraphes, qui sont un ramassis de critique de la société gauchisée qui n'accepte pas que l'on puisse critiquer les idoles et que l'on puisse penser une seule seconde qu'un album comme celui des Hollywood Vampires n'est pas si bon que ça.


Je vais quand même donner mon avis. Je le rejoins sur certaines choses. Quelques morceaux sont assez dispensables, comme le medley avec Another Brick in the Wall. D'un point de vue complètement musical, ça sonne pas. Brian Johnson pousse des couinements comme sur les derniers albums d'AC/DC, je ne pense pas que ce soit indispensable pour apprécier le projet. Il y a des reprises qui mériteraient d'être menées à terme, et pas de les fourrer dans un medley sans nom, comme Five to One, des Doors. Le synthé est excellent, la rythmique est lourde et épaisse, la voix de Cooper tombe parfaitement dessus. Pareil pour Break on Through. Mais le medley est pas top, quoi. Y'a des bonnes idées, mais exécutées de manière assez cheap. C'est un sacré dilemme. Il manque deux ou trois gros coupes de saton dans la fourmilière. L'harmonica de Whole Lotta Love est génial, la basse est groovy. Alice Cooper tente de crooner, c'est pas son genre mais l'effort doit être salué. J'ai un peu de mal avec Brian Johnson même s'il passe nettement mieux que sur School's Out. Il se rapproche de ce qu'aurait pu faire Robert Plant.

Quant à la notion de supergroupe, je pense que c'est, là aussi, une subjectivité totale. Ici, il manque peu de choses pour que ça marche. On ne ressent pas assez l'unicité de chaque musicien. On est confronté à la présence d'Alice Cooper. Le reste, c'est "juste" un groupe. Il n'y a pas la petite touche apportée par chaque musicien. C'est dommage. On passe pas loin d'un album abouti, je pense. Peut-être un peu trop d'invités, aussi. On se rapproche de ce qu'a pu faire Slash pour son album éponyme, sans l'effort de composition derrière. Alice Cooper est, à mon avis, bien meilleur que sur son dernier album vomitif et hommage à l'inventeur du Vocoder.

mardi 10 mars 2015

Comfortable Hate, Black Bomb A

C'est ça votre idée du confort ?




Que c'est rafraîchissant de voir que le metal français est encore debout. Que c'est rafraîchissant de voir que les têtes de proue du genre bougent encore, et pas seulement un orteil. C'est tout le corps qui se met en mouvement, c'est quasiment incontrôlé. Comme si un mafieux te tirait dans les pieds, pour s'amuser et que tu devais éviter les balles. Black Bomb A relance la mode du pogo dans ta propre tête, où les différentes personnalités se retrouvent, contre leur gré, prises dans un wall of death de malade. C'est clairement un album fait pour la scène, pour le bourrin. Pour l'amour du bourrin, tout simplement. Et on en attend pas moins de Black Bomb A.

From Chaos avait été ma première rencontre avec l'entité, peu avant de les voir en concert. Autant dire que je ne me suis pas laissé longtemps avant de découvrir le reste de la disco du groupe. Un mélange subtil de chant, de screams (pour Poun) et de growls viscéraux (pour Djag ou Arno). La baraque rythmique est solide, très solide, tenue par un RV en béton. On retrouve la même recette ici, avec un retour d'Arno au chant, une basse tenue par un Jacou de feu (comme quoi ça doit être Fetus qui bride toute la créativité des musiciens), qui se fera un plaisir de nous claquer deux trois plans béton, avec un son vraiment metalcore, avec les cordes qui claquent. C'est vraiment bon. C'est pas prétentieux et il a vraiment gagné en niveau (bon, en partant d'Ultra Vomit, on ne peut que gagner du niveau). Black Bomb A est toujours aussi violent.

Et des fois, au milieu du bordel ambiant, l'oeil de la tempête. Rise Up. La basse qui claque, elle est là. Elle poutre. C'est presque du Speech of Freedom. On se retrouve en 2004. C'est une claque dans la tête. C'est du metalcore pur, avec des passages chantés au milieu de morceaux en scream syncopés par une caisse claire en béton. Look at the Pain est pas loin, avec ses refrains chantés qui t'enfoncent leurs petits poings dans la tête.

Ensuite ? Ensuite, c'est la débandade et je réponds plus de rien. Rise Up marque clairement un changement d'état dans l'album. On passe du gros bourrin non-stop à des morceaux ambiancés, sublimes. Into the Void et sa guitare acoustique. J'ai l'impression d'entendre No1Noise, la version sublimée de No One Knows où Poun est assis et immobile. La voix rauque d'Arno est vraiment un gros plus. Limite, elle avait manqué. La dualité des voix est encore plus imposante sur On Fire. Sortir un single comme celui-là, c'est limite malsain. Bon, y'a pas eu beaucoup d'attente entre le single et l'album, mais quand même. "After all these years still alive / We are still angry". De toute façon, on sait très bien que le groupe a toujours bouffé la vie des deux côtés en en mettant partout. En quoi ça change ? Bah la puissance. La rythmique double grosse caisse/basse. Un gros coup de massue bien placé. C'est propre, ça démolit. What else ?

Le petit côté funk est pas mal, aussi. Notamment dans The Poison. On sent Poun dans son élément, à la croisée de plusieurs genres, comme il l'est dans le Bal des Enragés ou comme il l'a été dans Monroe est Morte. C'est frais, ça poutre. Bref, c'est Black Bomb A. Tears of Hate est un morceau, lui aussi, assez monumental. Je pense que c'est à ce genre de morceaux qu'on peut reconnaître qu'un groupe a gravi pas mal d'échelons. Même si on avait eu quelques ébauches avant, notamment avec Shauny Davidson sur le morceau Hell on Earth qui était un concentré de 8 minutes bouillantes avec une collision magistrale entre le metal signé BBA et une fin sur orbite, là où on attendait pas le groupe. Tears of Hate se pose là, mais à l'exact inverse, avec son début tout calme et sa fin canon, limite sur le même rythme et la même diction que Burn en son temps.

Surtout, sur cet album, on retrouve ce qui avait grandement fait défaut au précédent opus, c'est ce contraste si particulier des voix, un mashup tout à fait singulier que seul BBA sait amener de manière magistrale. Le contraste Shauney / Poun n'était pas spécialement marqué, il manquait du contraste. Autant dire qu'il revient en force. Une claque dans la tête. Et c'est tout ce qu'il faut.