mercredi 17 décembre 2014

The Eternal Hunter, Parisian Walls

Chop your head during this tour.


Il existe un moment, dans la vie de chaque metalleux (et même de chaque personne aimant la musique), où voir l'un de ses groupes préférés disparaître de la circulation peut apparaître comme une putain d'épreuve. J'ai vécu le split d'EDC, non pas comme une épreuve, ça serait donner un côté religieux à une chose qui cherche à s'en éloigner, mais plutôt comme un gros coup de masse : au moment où je commence à comprendre le groupe, pouf!, plus rien. Nada. Parce qu'il faut comprendre le groupe pour comprendre sa musique (captain obvious spotted) : une démarche humaniste dans un écrin de violence brute et sans fioritures.

C'est cela, très précisément, que l'on retrouve sur ce side-project (qui serait plus un projet tout court, du coup) d'Arsène. Dans EDC, c'était frapper pour questionner, frapper pour faire douter (J'Ai pas les Mots, L'Avenir Sera, Le Jour des Saigneurs). Ici, on met la raison à genoux : la déferlante de violence ressemble à une grosse catharsis, une question qui trouve enfin une réponse après des années de doutes. J'ai discuté avec pas mal de personnes qui refusaient de voir un côté politique militant dans les paroles de L'Esprit du Clan, qu'elles considéraient comme un simple élément marketing comme d'autres utilisent les contes pour créer leur musique. Sous-entendu que le côté politique serait un artefact scénique utilisé pour ratisser large. Cet album, bien qu'étant profondément différent d'un album d'EDC, s'en rapproche par une violence dirigée vers les institutions (comme c'était déjà le cas dans Circus Frénésie, Le Jour des Saigneurs ou encore Impérialisme) et surtout la religion (Atheist Metal -qui veut plus évident ?).

Parisian Walls taille dans le gras et ne laisse personne indemne. Le tapping de Hunting Season nous rappelle, inévitablement, celui de The Gift of Guilt, de Gojira. Une intro coup de poing qui frappe là où ça fait mal : la vie est une guerre contre le genre humain. Lutter contre sa condition primaire devrait alors faire partie des devoirs du citoyen. C'est cela qui ressort aussi dans You are the Enemy : l'Homme, en tant qu'être singulier, est son seul et propre ennemi. Il doit faire face à lui-même. "Personne n'est parfait mais si tu te bats, on te respectera" : se battre, c'est, après l'écoute de cet album, se sortir perpétuellement des systèmes tous faits dans lesquels les différents pouvoir tentent de nous faire entrer. Il est nécessaire de faire autre chose que de reproduire les mêmes schémas ancestraux. La religion est alors elle-même considéré comme un schéma ancestral, jamais remis en question, toujours suivi. La parole d'un homme devient parole d'Évangile (du coup), et Pushover démonte cette morale à coups de cric. " 'Cause you're scared / You accept all submissions" : la religion ne permet qu'une seule liberté : la liberté de craindre. Comment dominer une foule si celle-ci n'a peur de rien ?

The Eternal Hunter, c'est aussi une chasse au bonheur personnel éternelle. Se tenir debout et ne jamais lâcher prise, se battre, malgré tout, un couteau entre les dents, une histoire de Determination. Si "certains aiment leur vie, d'autres en souffrent. Dans leur cas ils se battent" (en anglais dans le texte). Ils se battent contre la vie. Remettre l'Homme à sa place, toujours. En cela Parisian Walls relève de l'Esprit du Clan. Tout n'est qu'une histoire personnelle, "Don't talk to me about your filths / Your sins and your faults". Chacun ses fautes, chacun ses erreurs. Chacun sa vision du Bien et du Mal, et on se retrouve à lire ls paroles de Pushover, encore une fois, pour se rendre compte que "you share waht you believe, not what you got".

La politique en prend aussi une dans sa face, notamment avec Europe is a Museum. Sorti en single, ce morceau nous démontre l'idée d'une Europe comme on la conçoit aujourd'hui n'est ni plus ni moins qu'un être conservé dans du formol qu'on essaie de réanimer après des décennies de mort clinique. L'Europe, c'est bien. En théorie. En vrai, le groupe démonte les idées reçues, met le feu aux préjugés.

En fait, je me rends compte que cet album peut être résumé avec la dernière phrase de From City of Light : "Do you feel this art of violence ?". Ici, oui, la violence se transforme en art. Un art au service de l'Humain plutôt qu'au service de son divertissement. Sur certains morceaux, on ne peut qu'headbanger en rythme, tellement les breaks sont puissants. L'album finit sur une conclusion tellement naturelle qu'on est surpris de la trouver là (généralement, les groupes tentent de noyer les morceaux plus calmes dans la masse) : Sons of Dionysus est calme, il commence en chant clair. Même le growl n'est pas un growl d'énervé comme il l'est dans le reste de l'album. Il se marie parfaitement au chant calme et tempéré. Cet album est donc très bon. La tournée s'annonce énorme. Les cervicales vont grincer et les genoux vont prendre cher, autant que vos tympans pas préparés. Une bien belle surprise pour ces fêtes de fin d'année.