dimanche 21 septembre 2014

And I'm fading... again.

J'avais fracassé mes poings sur la porte de ton appartement. J'avais tambouriné aux fenêtres comme un damné, comme un mort de faim, un type qui veut juste vivre. Tu étais là, assise en tailleur sur un coussin mauve, regardant la télé, cigarette à la main. Tu refusais de me pouvoir. Pouvais-tu au moins m'entendre ? J'en doute. Je doute, à vrai dire. Et tu sais pourquoi ? J'avais beau m'arracher les cordes vocales, exploser mes mains sur ta porte, sur tes murs, tes fenêtres, tu ne réagissais pas. Même pas un mouvement de tête, rien. Tu continuais à fixer la télé. Comme vide. Ou alors l'étais-je ? C'est sûrement ça. Je devais être la personne inconsistante dans l'histoire. Celle qui fait tout pour se faire remarquer mais que personne ne voit jamais. De celles qui gueulent leur souffrance au monde, mais qui ne sont entendues que par une poignée d'individus sur sept putain de milliards de personnes.

Plus j'attendais plus je te voyais t'éloigner, tant physiquement que psychiquement. Tu disparaissais. En fait, je ne pourrais trouver de mot assez représentatif en français. Si je devais utiliser un seul mot, ça sera fade. C'est celui qui me semble avoir le plus de sens, le plus de consistance, pour le coup. Inversement proportionnel à ma situation, on va dire. Ce qui me fait dire que c'était moi, l'inconsistant, le transparent dans l'histoire c'est que même les gens qui passaient dans la rue ne me voyaient pas. Ou alors faisaient-ils semblant, de crainte qu'un taré les agresse sauvagement à l'arme blanche ? Je n'en sais rien. J'en doute. Pas un seul n'aura tourné la tête ni même esquissé un regard dans ma direction.

Depuis longtemps, je me doutais. Depuis longtemps, je luttais contre l'inévitable. Celui où tout devait s'écrouler. S'entrechoquer avec une telle puissance que la poussière se serait retrouvée en suspension dans l'air pendant des années. Il aurait fallu compter les os, choisir les bons, les remettre en place. Un putain d'ossuaire, des catacombes à ciel ouvert, sur des milliers de kilomètres. Tout reconstruire, morceau par morceau. Prétendre qu'au final, c'était pas grand chose et qu'on a réussi. Oublier qu'on a galéré, qu'on a eu envie d'abandonner plus d'une fois et de se suspendre à une poutre avec ce qui nous passait sous la main. Oublier, aussi, les moments de tension, ceux qui donnent envie de frapper dans tout et n'importe quoi, du moment qu'on évacue la colère et l'énervement grandissant. Toute cette frustration emmagasinée. Compter les os pour se reconstruire et passer à autre chose. Changer de peau. Penser différemment. Think different, comme dirait l'autre. Et pour faire quoi ? Suivre la masse. Bien joué. Fouiller les décombres pour tenter de trouver quelque chose de viable, quelque chose qui tient encore la route malgré les dégâts. Tenter de reconstruire un semblant de vie. Comme la créature de Frankenstein. Quelque chose pas forcément esthétique mais qui tiens la route. Et qui vit. Du moins qui survit.

J'étais perdu dans les ténèbres. Au loin, une cloche résonnait. Comme Big Ben, en plus lourd, plus plaintif et plus long. Tout était désert, comme après l'apocalypse. Comme si toute la Terre se retrouvait figée dans un autre espace temps. Comme si le gel du mois de janvier montait au sommet de la Tour Eiffel. Comme si plus rien n'avait d'importance. J'étais debout, je commençais à geler au mois d'août. Dériver lentement, me laisser porter, ne plus rien sentir. Enfin sombrer. Enfin en finir. Il y avait quelque chose de rassurant. J'aurais aimé te dire, enfin une dernière fois, combien de fois c'est toi qui m'a donné la force de relever le front, de remonter du fond, qui m'a montré le ciel, quand il était bleu.

Juste une minute, juste une dernière chance avec toi. Je peux tout abandonner, tout, pour toi. Mais on ne peut pas remonter le temps, et je vois, à travers mes larmes, les lumières s'estomper, le jour s'en aller. Fuir, juste fuir, ne plus faire demi-tour. Ma grosse erreur ? Ne pas savoir ce que j'aimais, jusqu'à ce que ça se délite. Et il est trop tard. Maintenant il est trop tard, et je vois les ténèbres à travers les fissures de ton mur. Je les laisse alors s'échapper de la brèche et m'entourer. Nous ne faisons plus qu'un. Finalement, c'est confortable. And I've become comfortably numb. Je te vois te lever, venir à la fenêtre, avec cette tristesse dans ton regard, quelque chose d’indicible, avant que tu ne refermes les rideaux et que seules les ombres demeurent. Peu importe la place que tu décideras de prendre dans mon coeur, elle sera toujours à toi.

mardi 9 septembre 2014

Solstafir, Otta

Masterpiece of the Ages



Dans le petit monde fermé du metal, il y a des groupes qui brisent les frontières et se permettent une fantaisie qui, loin de leur jouer des tours, leur permet d'asseoir leur domination sur un monde, a priori, réfractaire aux innovations et qui n'aime que le bourrin (oui, je caricature, mais c'est le but, ne vous en faites pas). En effet, beaucoup de groupes se fracassent les dents quand ils essayent d'innover dans leur musique, je pense notamment à KoRn et son virage à 720° pris, en premier lieu avec Skrillex et qui s'est plus ou moins prolongé lors du dernier album, The Paradigm Shift. Beaucoup de groupes, aussi, son sous-considérés car pas assez représentatifs de la scène metal et "s'éloignant trop les principes de base" (mais quels sont les principes de base du metal, je vous le demande). Venons-en, si vous le voulez bien, au nerf de la guerre et au centre de cette chronique, un peu tardive, je vous l'accorde.

Solstafir est l'un de ces groupes que je rêve de voir en live. J'étais à deux doigts d'aller au Summer Breeze en 2013 (où ils étaient programmés), mais les plans ont foiré quelques jours avant. Je me suis rattrapé en regardant le live au Hellfest de cette année. Solstafir n'est pas, à proprement parler, un groupe de metal. Bien qu'ils aient fait du black (ils sont islandais, c'est la base, quoi), les quatre gaillards venus du pays du froid, des volcans et de l'Enfer (selon la mythologie grecque) se sont tournés, assez tardivement, vers un post-rock mi-planant mi-violent, comme si Mötörhead avait fait un enfant avec Mogwai (ouais, bon, un Gremlin, quoi). Ou alors comme si on se laissait plonger dans un volcan avant de ressortir au milieu d'un fjord gelé. Solstafir, c'est tout ça. C'est un ensemble, presque indescriptible.


Solstafir, c'est la musique des sentiments bruts, c'est la musique qui nous révèle à nous-mêmes si on accepte de se laisser porter par les quatre chevaliers de l'Apocalypse venus du froid. Il est très difficile de définir vraiment la musique du groupe, tant est si bien qu'on est presque tenté de ne pas le faire, et ce, pour une raison simple : expliquer Solstafir serait lui enlever sa magie, le petit truc en plus qui fait que ce groupe est incontournable. Qu'est-ce que ce petit truc ? Pour moi, c'est tout simplement le fait qu'ils utilisent beaucoup d'islandais dans leurs albums, surtout depuis Svartir Sandar. Köld avait ça de bien pensé : faire de ce CD de la renaissance (je le vois comme ça), un tremplin vers le monde. Et pour se faire, quoi de mieux que l'anglais, me direz-vous. Loin de décontenancer, les albums en islandais sont vrais, tant dans leur fond (qu'on ne comprend pas, ouais, je sais, mais ça se sent), que dans leur forme. C'est puissant et beau. C'est une claque faite de crème chantilly.

J'ai généralement envie de pousser le vice de la critique loin, tant à propos du fond qu'à propos de la forme, c'est valable pour à peu près tout, tant les films que les bouquins ou la musique. Ici, je ne peux tout simplement pas. Le fond est rendu incompréhensible par l'utilisation de l'islandais. Cela dit, c'est bien joué de leur part : on se concentre plus sur l'ambiance de chaque morceau que sur ce que ce moreau signifie. La forme est, quant à elle, ciselée, fine et précise, parfois massive, souvent aérienne, loin des standards de la musique et plus proche d'un rapport qui m'apparaît comme "l'art pour l'art" : ne pas faire quelque chose pour le vendre, mais le faire parce que ça apporte une nouvelle dimension à l'art. L'art pour l'art, c'est quelque chose que l'on fait d'abord pour soi, mais aussi, et finalement, pour les autres : il y a des sentiments, des émotions à partager qui ne sont pas descriptibles et qui pourraient souffrir de cette description. Solstafir évite de définir sa musique, évite de cadrer ses productions et leur durée. Ils ont aussi eu l'intelligence et le génie de faire émerger l'islandais dans un monde ou, si tu ne chantes pas en anglais, tu n'es écouté que dans ton pays natal.

Pour tout cela, messieurs, chapeau bas.