dimanche 22 novembre 2015

"CHILDREN OF LUXEMBOURG !"

Mercredi 18 novembre 2015.
L'air luxembourgeois est frais.

On galère pour trouver une place, on est pas en panique, mais presque. On a réussi à passer la frontière sans problème. D'ailleurs, personne ne regrette, dans la voiture, d'avoir fait l'aller-retour, même "pour voir". On est là, du coup, devant L'Atelier, à 19h30. Pour voir Ghost. Pour communier méchamment avec Papa Emeritus III et ses Ghouls. On avait les places depuis le mois d'août. Mais on a hésité comme des tarés. A cause de ces putains d'attentats. A cause de cette putain de terreur. A cause de cette putain de crainte, cette putain de fébrilité qui paralyse la France.

On se chope un bout de trottoir à moins de cent mètres de la salle. J'ai pris mon appareil photo. Au moment des fouilles, le vigile me dit que ça va pas être possible. Il me propose d'aller le mettre au vestiaire. Comme un con, je ne vois pas l'appel du pied qu'il me fait. Sur le coup, j'ai aucune envie de laisser mon appareil dans le vestiaire, bordel. Mais je comprends pas que c'est une manière détournée de me dire "Tu peux le prendre, hein. Moi je fais juste mon boulot, je te dis que tu peux le mettre aux vestiaires". Je le comprends en remontant dans la voiture, vers 23h30, quand on repart. Mais, d'un autre côté, je suis content. J'ai profité du concert en intégralité. J'ai passé tellement de concerts rivé sur mon appareil à prendre des vidéos que maintenant, je préfère en profiter. Les gens n'ont qu'à payer leurs places. Et je regarde jamais les vidéos que je prends. Alors à quoi bon ?


La claque de l'année


L'Atelier, c'est une salle en forme de diamant, avec une toute petite scène coincée tout au bout. On se dit que, putain, caser les six mecs dessus, ça risque d'être compliqué, mais en fait non. On attend. Beaucoup. On s'est chopé une place dans une sorte de mezzanine. On est pas dans la fosse, y'avait déjà plus de place quand on est arrivé. Plus de place près de la scène, je veux dire. On est assis sur une estrade. D'ici, la vue sur la scène est pas mal. On espère juste qu'ils vont éteindre le lustre qu'on a en plein dans le champ de vision.


Du coin de l'oeil, en me concentrant, je vois la scène, pour le groupe de première partie. Deux grosses boîtes à rythme de bourrins, un genre de launchpad. Derrière, deux Fender Mustang blanche. Trois micros, dont un au centre. Rien de plus. Scène dépouillée. Un minimalisme presque inquiétant. C'est la première partie de Ghost, bordel ! Là, les lumières de la salle s'éteignent. Deux mecs se collent derrière les launchpads, prennent leur Mustang et lancent une boucle électro, une rythmique qui me perce le bide. Les mecs sont trois. Le chanteur arrive peu après. Un style à la Heisenberg. Un bouc, des lunettes de soleil un chapeau et un charisme de taré. Un set efficace et percutant. Avec des basses souvent trop présentes, mais certainement dues à l'acoustique de la salle et aux réglages des ingés sons plutôt qu'au groupe (ça a été pareil pour Ghost). Un set d'une demi-heure, trois-quarts d'heure. Dantesque. On se rapproche des mélodies de Portishead mais plus encore de Massive Attack. C'est lourd, c'est envoûtant. Il ne m'en faut pas plus. Je passe le reste du set les yeux fermer, à kiffer comme un malade (oui, kiffer). Le temps s'arrête. Je vais faire une chronique de leur dernier album, d'ailleurs, parce que bordel.


Que la messe commence !



Fin du set de Dead Soul. Claque gigantesque. J'ai retrouvé une sorte de complétude musicale que je n'avais pas connue depuis Otta. Le changement de plateau pour Ghost est assez long. Je serais cependant incapable d'en déterminer la durée. Lumière bleue et musique religieuse, odeur d'encens d'église. Une ambiance particulière s'instaure. Premier morceau : Spirit. Enchaîné directement avec From the Pinnacle to the Pit. Tout le monde communie avec Papa et ses Ghouls. Tout le monde est, paradoxalement, au Paradis. Au milieu du set, après un morceau, Papa fixe la foule et nous dit à quel point on est bien et que ça serait quand même foutrement dommage d'avoir peur. Qu'on est là pour faire la fête et basta. Parodie de messe oblige, deux filles montent sur scène déguisées en nonnes, les "Sisters of Sin", qui ne savent pas trop trop bien où aller, tout comme Papa Emeritus, qui est obligé de voir avec la technique. Communier avec le sang et le corps de l'Antéchrist. Papa Emeritus qui arrive avec son encensoir (un vrai, un magnifique, comme celui que je voudrais avoir parce que c'est tellement classe). La communion dure une heure et demie, une heure quarante-cinq. On sait pas trop.

Sous le choc. Une espèce de transe. J'ai plus de voix, j'arrive à peine à chanter. J'ai mal aux bras. Mais je suis heureux. Et j'ai une lithographie de bourrin et un CD de Dead Soul. Il ne m'en faudra pas plus. Soirée d'enfer, au sens propre comme au figuré.

dimanche 27 septembre 2015

Hollywood Vampires vu par le Figaro : pourquoi une telle hargne ?


S'il y a une notion qui prouve bien que l'objectivité est bien impossible à atteindre en journalisme, c'est bien celle de "supergroupe" ou, dans une moindre mesure, celle de reprise. Car oui, la critique musicale est aussi un lieu où s'exprime la subjectivité, loin des rivages de la tempérance souvent prônés par les critiques de Télérama qui soufflent le chaud et le froid dans une même critique. Je ne reproche rien, je fais pareil.

Cependant, trop de négatif finit par tuer le négatif et on se dit que le journaliste (eh oui, bien souvent ce sont des journalistes), finit par tirer sur une ambulance qui roule plus spécialement vite. C'est en tous cas ce que j'ai ressenti à la lecture de cet article du Figaro. Bon, après, c'est dit dès le départ, c'est une tribune, on sait très bien que l'auteur va enfoncer tout ce qu'il pourra enfoncer sans apporter la contradiction et sans nuance (c'est un exercice de style, vous allez me dire). Et c'est Le Figaro. Ça étonne qui ?

Bon. Je trouve que ça commence mal. Dès le chapô, l'auteur de la tribune balance un p'tit point Godwin bien senti et qui daube un peu. Oui, il parle de "crime contre l'humanité". C'est peut-être un peu fort. C'est fait pour accrocher le lecteur ? Je trouve ça putassier et pas forcément utile. Et, dans mon monde, la notion de "crime contre l'humanité" signifie plutôt : "violation délibérée et ignominieuse des droits fondamentaux d'un individu ou d'un groupe d'individus inspirée par des motifs politiques, philosophiques, raciaux ou religieux". Je crois pas qu'Alice Cooper et Johnny Depp ont violé des droits fondamentaux d'un individu ou d'un groupe pour X motifs.

Je passe la comparaison douteuse avec la sextape de Kim Kardashian. Encore, elle aurait sorti un album de reprises, je veux bien. Mais de là à comparer cela à une sextape parce que ça se passe "entre adultes consentant", c'est juste consternant.

L'objet du délit
Ensuite, notre bon tribun fait un constat : OH MON DIEU MAIS EN PLUS ILS VENDENT LEUR TRAVAIL LES RATS. Un album qui, soit dit en passant, est composé de reprises, ce qui semble un peu étonner. La reprise est, je pense, un genre à part entière. C'est un chouilla compliqué de retaper le boulot d'un autre, surtout que, comme le souligne Joseph Achoury, ce sont "des classiques". Raison de plus pour s'y attaquer, à mon sens.

Première contradiction, il nous parle de "composition". On m'a parlé d'un album de reprises. M'aurait-on donc menti ? My Generation, génial titre des Who (je le rejoins), mais que je retrouve assez bien dans la reprise ici présentée, un peu plus musclée, un peu moins sixties, un peu moins clichée à mon sens. Parce que je trouve qu'il n'y a rien de plus cliché que le mouvement Mob.

Ah, les guests qui "viennent cachetonner". M'est d'avis qu'à leur niveau de réputation, chacune des personnes présentes le fait pour l'amour de la musique. La thune, je pense que Paul McCartney, Brian Johnson, Slash ou encore Dave Grohl n'en sont plus à ça près. Non, sérieux, quand on a la carrière de Brian Johnson, c'est pas avec deux apparitions sur un album de reprises qu'on va faire péter les plafonds de l'IRS.

Brian Johnson "qui vient massacrer de ses couinements de chat aux couilles coincées dans une porte une abominable version de School's Out". Alors de deux choses l'une. Ouais, Brian Johnson a une voix particulière. Mais c'est pour ça qu'il est dans AC/DC depuis 35 piges maintenant. Je suis pas trop fan non plus de sa voix, je préfère largement Bon Scott. Mais on va un peu loin dans l'analogie. Un chat avec les couilles coincées dans la porte ? Wow. Such wow. Many much dude.

La reprise de School's Out, avec laquelle notre bon rédacteur retente une petite comparaison sortie de derrière les fagots en disant qu'Alice Cooper "en plus de tabasser les enfants des autres, bat les siens !" Il y a un petit truc qui me gêne. Mais ça doit être mon esprit étriqué de gauchiste bien pensant qui refait surface. C'est vrai.

Je vous passe les deux derniers paragraphes, qui sont un ramassis de critique de la société gauchisée qui n'accepte pas que l'on puisse critiquer les idoles et que l'on puisse penser une seule seconde qu'un album comme celui des Hollywood Vampires n'est pas si bon que ça.


Je vais quand même donner mon avis. Je le rejoins sur certaines choses. Quelques morceaux sont assez dispensables, comme le medley avec Another Brick in the Wall. D'un point de vue complètement musical, ça sonne pas. Brian Johnson pousse des couinements comme sur les derniers albums d'AC/DC, je ne pense pas que ce soit indispensable pour apprécier le projet. Il y a des reprises qui mériteraient d'être menées à terme, et pas de les fourrer dans un medley sans nom, comme Five to One, des Doors. Le synthé est excellent, la rythmique est lourde et épaisse, la voix de Cooper tombe parfaitement dessus. Pareil pour Break on Through. Mais le medley est pas top, quoi. Y'a des bonnes idées, mais exécutées de manière assez cheap. C'est un sacré dilemme. Il manque deux ou trois gros coupes de saton dans la fourmilière. L'harmonica de Whole Lotta Love est génial, la basse est groovy. Alice Cooper tente de crooner, c'est pas son genre mais l'effort doit être salué. J'ai un peu de mal avec Brian Johnson même s'il passe nettement mieux que sur School's Out. Il se rapproche de ce qu'aurait pu faire Robert Plant.

Quant à la notion de supergroupe, je pense que c'est, là aussi, une subjectivité totale. Ici, il manque peu de choses pour que ça marche. On ne ressent pas assez l'unicité de chaque musicien. On est confronté à la présence d'Alice Cooper. Le reste, c'est "juste" un groupe. Il n'y a pas la petite touche apportée par chaque musicien. C'est dommage. On passe pas loin d'un album abouti, je pense. Peut-être un peu trop d'invités, aussi. On se rapproche de ce qu'a pu faire Slash pour son album éponyme, sans l'effort de composition derrière. Alice Cooper est, à mon avis, bien meilleur que sur son dernier album vomitif et hommage à l'inventeur du Vocoder.

mardi 10 mars 2015

Comfortable Hate, Black Bomb A

C'est ça votre idée du confort ?




Que c'est rafraîchissant de voir que le metal français est encore debout. Que c'est rafraîchissant de voir que les têtes de proue du genre bougent encore, et pas seulement un orteil. C'est tout le corps qui se met en mouvement, c'est quasiment incontrôlé. Comme si un mafieux te tirait dans les pieds, pour s'amuser et que tu devais éviter les balles. Black Bomb A relance la mode du pogo dans ta propre tête, où les différentes personnalités se retrouvent, contre leur gré, prises dans un wall of death de malade. C'est clairement un album fait pour la scène, pour le bourrin. Pour l'amour du bourrin, tout simplement. Et on en attend pas moins de Black Bomb A.

From Chaos avait été ma première rencontre avec l'entité, peu avant de les voir en concert. Autant dire que je ne me suis pas laissé longtemps avant de découvrir le reste de la disco du groupe. Un mélange subtil de chant, de screams (pour Poun) et de growls viscéraux (pour Djag ou Arno). La baraque rythmique est solide, très solide, tenue par un RV en béton. On retrouve la même recette ici, avec un retour d'Arno au chant, une basse tenue par un Jacou de feu (comme quoi ça doit être Fetus qui bride toute la créativité des musiciens), qui se fera un plaisir de nous claquer deux trois plans béton, avec un son vraiment metalcore, avec les cordes qui claquent. C'est vraiment bon. C'est pas prétentieux et il a vraiment gagné en niveau (bon, en partant d'Ultra Vomit, on ne peut que gagner du niveau). Black Bomb A est toujours aussi violent.

Et des fois, au milieu du bordel ambiant, l'oeil de la tempête. Rise Up. La basse qui claque, elle est là. Elle poutre. C'est presque du Speech of Freedom. On se retrouve en 2004. C'est une claque dans la tête. C'est du metalcore pur, avec des passages chantés au milieu de morceaux en scream syncopés par une caisse claire en béton. Look at the Pain est pas loin, avec ses refrains chantés qui t'enfoncent leurs petits poings dans la tête.

Ensuite ? Ensuite, c'est la débandade et je réponds plus de rien. Rise Up marque clairement un changement d'état dans l'album. On passe du gros bourrin non-stop à des morceaux ambiancés, sublimes. Into the Void et sa guitare acoustique. J'ai l'impression d'entendre No1Noise, la version sublimée de No One Knows où Poun est assis et immobile. La voix rauque d'Arno est vraiment un gros plus. Limite, elle avait manqué. La dualité des voix est encore plus imposante sur On Fire. Sortir un single comme celui-là, c'est limite malsain. Bon, y'a pas eu beaucoup d'attente entre le single et l'album, mais quand même. "After all these years still alive / We are still angry". De toute façon, on sait très bien que le groupe a toujours bouffé la vie des deux côtés en en mettant partout. En quoi ça change ? Bah la puissance. La rythmique double grosse caisse/basse. Un gros coup de massue bien placé. C'est propre, ça démolit. What else ?

Le petit côté funk est pas mal, aussi. Notamment dans The Poison. On sent Poun dans son élément, à la croisée de plusieurs genres, comme il l'est dans le Bal des Enragés ou comme il l'a été dans Monroe est Morte. C'est frais, ça poutre. Bref, c'est Black Bomb A. Tears of Hate est un morceau, lui aussi, assez monumental. Je pense que c'est à ce genre de morceaux qu'on peut reconnaître qu'un groupe a gravi pas mal d'échelons. Même si on avait eu quelques ébauches avant, notamment avec Shauny Davidson sur le morceau Hell on Earth qui était un concentré de 8 minutes bouillantes avec une collision magistrale entre le metal signé BBA et une fin sur orbite, là où on attendait pas le groupe. Tears of Hate se pose là, mais à l'exact inverse, avec son début tout calme et sa fin canon, limite sur le même rythme et la même diction que Burn en son temps.

Surtout, sur cet album, on retrouve ce qui avait grandement fait défaut au précédent opus, c'est ce contraste si particulier des voix, un mashup tout à fait singulier que seul BBA sait amener de manière magistrale. Le contraste Shauney / Poun n'était pas spécialement marqué, il manquait du contraste. Autant dire qu'il revient en force. Une claque dans la tête. Et c'est tout ce qu'il faut.

mercredi 17 décembre 2014

The Eternal Hunter, Parisian Walls

Chop your head during this tour.


Il existe un moment, dans la vie de chaque metalleux (et même de chaque personne aimant la musique), où voir l'un de ses groupes préférés disparaître de la circulation peut apparaître comme une putain d'épreuve. J'ai vécu le split d'EDC, non pas comme une épreuve, ça serait donner un côté religieux à une chose qui cherche à s'en éloigner, mais plutôt comme un gros coup de masse : au moment où je commence à comprendre le groupe, pouf!, plus rien. Nada. Parce qu'il faut comprendre le groupe pour comprendre sa musique (captain obvious spotted) : une démarche humaniste dans un écrin de violence brute et sans fioritures.

C'est cela, très précisément, que l'on retrouve sur ce side-project (qui serait plus un projet tout court, du coup) d'Arsène. Dans EDC, c'était frapper pour questionner, frapper pour faire douter (J'Ai pas les Mots, L'Avenir Sera, Le Jour des Saigneurs). Ici, on met la raison à genoux : la déferlante de violence ressemble à une grosse catharsis, une question qui trouve enfin une réponse après des années de doutes. J'ai discuté avec pas mal de personnes qui refusaient de voir un côté politique militant dans les paroles de L'Esprit du Clan, qu'elles considéraient comme un simple élément marketing comme d'autres utilisent les contes pour créer leur musique. Sous-entendu que le côté politique serait un artefact scénique utilisé pour ratisser large. Cet album, bien qu'étant profondément différent d'un album d'EDC, s'en rapproche par une violence dirigée vers les institutions (comme c'était déjà le cas dans Circus Frénésie, Le Jour des Saigneurs ou encore Impérialisme) et surtout la religion (Atheist Metal -qui veut plus évident ?).

Parisian Walls taille dans le gras et ne laisse personne indemne. Le tapping de Hunting Season nous rappelle, inévitablement, celui de The Gift of Guilt, de Gojira. Une intro coup de poing qui frappe là où ça fait mal : la vie est une guerre contre le genre humain. Lutter contre sa condition primaire devrait alors faire partie des devoirs du citoyen. C'est cela qui ressort aussi dans You are the Enemy : l'Homme, en tant qu'être singulier, est son seul et propre ennemi. Il doit faire face à lui-même. "Personne n'est parfait mais si tu te bats, on te respectera" : se battre, c'est, après l'écoute de cet album, se sortir perpétuellement des systèmes tous faits dans lesquels les différents pouvoir tentent de nous faire entrer. Il est nécessaire de faire autre chose que de reproduire les mêmes schémas ancestraux. La religion est alors elle-même considéré comme un schéma ancestral, jamais remis en question, toujours suivi. La parole d'un homme devient parole d'Évangile (du coup), et Pushover démonte cette morale à coups de cric. " 'Cause you're scared / You accept all submissions" : la religion ne permet qu'une seule liberté : la liberté de craindre. Comment dominer une foule si celle-ci n'a peur de rien ?

The Eternal Hunter, c'est aussi une chasse au bonheur personnel éternelle. Se tenir debout et ne jamais lâcher prise, se battre, malgré tout, un couteau entre les dents, une histoire de Determination. Si "certains aiment leur vie, d'autres en souffrent. Dans leur cas ils se battent" (en anglais dans le texte). Ils se battent contre la vie. Remettre l'Homme à sa place, toujours. En cela Parisian Walls relève de l'Esprit du Clan. Tout n'est qu'une histoire personnelle, "Don't talk to me about your filths / Your sins and your faults". Chacun ses fautes, chacun ses erreurs. Chacun sa vision du Bien et du Mal, et on se retrouve à lire ls paroles de Pushover, encore une fois, pour se rendre compte que "you share waht you believe, not what you got".

La politique en prend aussi une dans sa face, notamment avec Europe is a Museum. Sorti en single, ce morceau nous démontre l'idée d'une Europe comme on la conçoit aujourd'hui n'est ni plus ni moins qu'un être conservé dans du formol qu'on essaie de réanimer après des décennies de mort clinique. L'Europe, c'est bien. En théorie. En vrai, le groupe démonte les idées reçues, met le feu aux préjugés.

En fait, je me rends compte que cet album peut être résumé avec la dernière phrase de From City of Light : "Do you feel this art of violence ?". Ici, oui, la violence se transforme en art. Un art au service de l'Humain plutôt qu'au service de son divertissement. Sur certains morceaux, on ne peut qu'headbanger en rythme, tellement les breaks sont puissants. L'album finit sur une conclusion tellement naturelle qu'on est surpris de la trouver là (généralement, les groupes tentent de noyer les morceaux plus calmes dans la masse) : Sons of Dionysus est calme, il commence en chant clair. Même le growl n'est pas un growl d'énervé comme il l'est dans le reste de l'album. Il se marie parfaitement au chant calme et tempéré. Cet album est donc très bon. La tournée s'annonce énorme. Les cervicales vont grincer et les genoux vont prendre cher, autant que vos tympans pas préparés. Une bien belle surprise pour ces fêtes de fin d'année.

samedi 22 novembre 2014

The memory remains

Toujours à rechercher le répit. Toujours à attendre que ça passe. Chaque personne qui sort de mon champ de vision devient un putain de fantôme. Chaque personne qui sort de mon champ de vision emporte un morceau de mon âme avec elle. Chaque personne prend un morceau plus gros que la précédente. Ça me fait penser à ces panneaux qui disent "Laissez l'endroit dans l'état où vous l'avez trouvé en entrant". Comment tu peux lutter contre les dégradations avec des panneaux de ce genre ? C'est de la connerie. C'est comme mettre des panneaux "pelouse interdite". Le seul truc qui va arriver c'est que tous les gens vont marcher, s'asseoir sur cette putain de pelouse. Alors que ça leur serait pas venu à l'idée. Les bancs c'est tellement plus confortable.

Bref, chaque personne repart, à chaque fois, avec un morceau de mon âme. Chacune a sa façon de prendre un morceau. Certaines le coupent proprement, avec une paire de ciseaux. Parfois, elles font même un ourlet, pour pas que ça soit trop flagrant. D'autres sont moins consciencieuses et oublient l'ourlet, quand elles ne déchirent pas carrément un morceau pour en faire un torchon.

D'un côté, ça me gêne pas que les gens m'embarquent des morceaux d'âme, tant qu'il m'en reste assez. Si ça leur fait un souvenir, tant mieux. Vraiment, hein. Si ça peut les réchauffer, le soir, quand ça caille trop, ça me pose aucun problème, je suis même content que ça serve.

Cependant, des fois, je me laisse emporter, et je tranche au cutter dans cette toile. Pour en filer des morceaux à droite à gauche. A des gens que j'ai vu trois fois. A des gens que j'ai jamais vu, même. C'est comme si, en leur donnant des grands morceaux, ils étaient obligés de les mettre en évidence dans une grande pièce, parce que "putain comment tu veux ranger ça quelque part, t'as vu la taille du bordel ?". Finalement, le morceau ne reste que quelque temps dans la pièce. Au bout d'un moment, il finit dans le grenier, au fond d'une caisse, souvent jeté négligemment pour couvrir le bordel ambiant. Des fois, on le retrouve, plusieurs années après. Ils en font un feu, parce que ça prend ça de la place, la poussière, que ça sert à rien et qu'on sait plus d'où ça vient. Et on peut entendre les souvenirs, gravés dans l'âme, hurler. De douleur, certes. Mais de tristesse aussi. Tristesse de finir leur misérable existence au fond d'un barbecue ou sur un tas de branches mortes. Tristesse de ne pas avoir pu, une dernière fois, s'ancrer dans un autre morceau d'âme.

Des cendres à peine froides jaillissent des fantômes de souvenirs. Des bribes, des sursauts, des hoquets de réminiscences, qui se laisseront porter par le vent, jusqu'à tomber dans la mer d'Irlande et s'y noyer pour de bon, sans plus de remous. Parfois, si une petite fille ou un petit garçon se trouve à proximité, ils peuvent, si le coeur leur en dit, sauter et saisir un souvenir. Il n'aura pas de signification précise, mais il sera là, comme une présence, comme un ami qui veille sur eux, peu importe ce qu'il se passe. Ce morceau finira par s'ancrer dans leur âme, dans leurs souvenirs. En en devenant part entière, ce souvenir, même s'il a changé de signification, continuera toujours à survivre, bien longtemps après sa mort physique.

De tout cela, je ne sais quoi penser. Que se passera-t-il quand j'aurais déroulé entièrement la toile de mon âme ? Que se passera-t-il lorsqu'elle aura été tranchée en d'innombrables morceaux et répandue aux quatre coins du monde ? Que restera-t-il du Moi que j'ai été ? Chaque morceau d'âme, je l'ai donné pour qu'on sache que je suis là, un peu. Chaque morceau d'âme donné, c'est un peu comme aller à un prêteur sur gages quand on n'a plus un rond. On finit par solder les morceaux les plus précieux, ceux que tu gardais quand toi, t'avais vraiment froid et que tu ne pouvais pas te résoudre à les refourguer. Chaque souvenir est réparti sur plusieurs morceaux d'âme, si bien qu'il faut retrouver plusieurs morceaux d'âme pour en reconstituer un seul en entier. Il serait vraiment urgent que j'arrête de donner des morceaux d'âme et de souvenirs. Parce que ça finit par me manquer et les gens n'en font rien. Un beau gâchis.

samedi 25 octobre 2014

The Gray Chapter, Slipknot

L'hommage à Paul ne pouvait pas être plus clair



S'il y a bien un album que nous n'attendions plus, metalleux de tous bords qui n'osons l'avouer, c'est bien ce dernier Slipknot. Parce qu'on a beau avoir plus de 15 piges maintenant, un shot de Slipknot fait toujours cet effet revigorant, presque une catharsis de nos années noires. Mais ça, personne n'osera l'avouer. Parce que Slipknot, c'est pour les ados et qu'on bosse dans le service public maintenant, alors les cheveux longs et les baggys troués, c'est mort, tu vois. Et bon, faut dire ce qui est, l'avenir du Knot était grandement compromise depuis que Paul Gray s'est fait la belle et que Jordison se soit fait virer du groupe. Une couche s'est encore ajoutée quand Jim Root s'est barré de Stone Sour. Bref, tout ce tapage autour du groupe n'augurait rien du tout de bon et laissait présager un retour plus que mitigé, voire même bâclé, des Neuf Masqués.

Autant dire que je m'étais un peu trompé sur cet album. Les deux singles sortis soufflaient le chaud et le froid. The Devil in I promettait un Slipknot plus sur la piste de Stone Sour, plus mélodique et plus linéaire, alors que The Negative One promettait un Slipknot pure race. En mon for intérieur, j'avais cette pensée qui me soufflait que ça serait vraiment bien que ça ressemble à un Slipknot mâtiné de Stone Sour, un truc hybride détonnant et étonnant. Autant dire que j'ai été un peu déçu quand The Negative One, premier single est sorti. Trop bourrin, trop Slipknot post 1999. Alors, quand The Devil in I est sorti, je me suis dit que le mélange des deux genres pourrait donner un truc vraiment bien et vraiment original. Peu de morceaux lugubres, voire glauque, pour asseoir un peu plus l'ambiance qui émergeait des trailers que le groupe avait utilisé pour sa communication. On en retrouve un peu dans Be Prepared for Hell (que j'aurais bien vu en introduction à la place de XIX, du coup)

Et ça a été le cas. Très clairement, cet album repose sur l'ambivalence de chaque période. Les morceaux durs, avec un Sid Wilson en exergue, comme sur Custer ou Nomadic. Dur, froid, distant. Depuis que j'ai découvert Slipknot, en 2009, ma préférence va vers des morceaux plutôt longs, plutôt malsains, comme Gehenna, comme ici avec le morceau qui clôture ce Chapter V, If Rain is Whar You Want, avec une intro en arpèges et en percussion, qui fait clairement monter la pression. D'autres morceaux sont plus dans la veine d'All Hope is Gone, plus mélodiques, moins bourrins, comme Killpop ou Goodbye. Ces morceaux s'inscrivent dans une partition d'époque à proprement parler. Un genre hybride entre Stone Sour et Slipknot, à la limite du StoneKnot (ou du SlipSour si vous voulez). C'est clairement ce qui ressort de cet album. Slipknot serait devenu une sorte de side-project, comme l'avait été Stone Sour par un temps. C'est pas gênant si la qualité prime sur la quantité, s'il n'y a pas de besoin de clamer au monde "Regardez, on est encore là tous les deux ans malgré tout". Si Slipknot continue à sortir ce genre d'album tous les 4 à 5 ans, y'a pas de problème !

Cet album marque aussi l'avènement de Corey Taylor comme l'un des chanteurs du metal les plus polyvalents et les plus puissants vocalement parlant. Même si cela était acté depuis pas mal de temps, on a l'impression qu'il a encore repoussé les limites de son talent. Même si les changements sont moins marqués que dans All Hope is Gone (et notamment Psychosocial, même si faire plus puissant et plus contrasté que ce morceau risque d'être terriblement compliqué). C'est un peu le cas dans AOV, avec des refrains en scream alors que les couplets sont en chant clair.

Les contrastes internes à l'album sont donc assez saisissants. Slipknot fait taire les rumeurs comme quoi il serait en perte de vitesse, voire même sévèrement amoché suite à la mort de Paul Gray et au départ de Jordison. Un tournant s'est clairement opéré, et même si c'est évident à dire, le groupe ne sera plus jamais dans les mêmes dispositions pour créer de la musique. La production de cet album est quasiment parfaite, et le duo basse-batterie assure à plein régime. Alors que c'était loin d'être évident.

dimanche 21 septembre 2014

And I'm fading... again.

J'avais fracassé mes poings sur la porte de ton appartement. J'avais tambouriné aux fenêtres comme un damné, comme un mort de faim, un type qui veut juste vivre. Tu étais là, assise en tailleur sur un coussin mauve, regardant la télé, cigarette à la main. Tu refusais de me pouvoir. Pouvais-tu au moins m'entendre ? J'en doute. Je doute, à vrai dire. Et tu sais pourquoi ? J'avais beau m'arracher les cordes vocales, exploser mes mains sur ta porte, sur tes murs, tes fenêtres, tu ne réagissais pas. Même pas un mouvement de tête, rien. Tu continuais à fixer la télé. Comme vide. Ou alors l'étais-je ? C'est sûrement ça. Je devais être la personne inconsistante dans l'histoire. Celle qui fait tout pour se faire remarquer mais que personne ne voit jamais. De celles qui gueulent leur souffrance au monde, mais qui ne sont entendues que par une poignée d'individus sur sept putain de milliards de personnes.

Plus j'attendais plus je te voyais t'éloigner, tant physiquement que psychiquement. Tu disparaissais. En fait, je ne pourrais trouver de mot assez représentatif en français. Si je devais utiliser un seul mot, ça sera fade. C'est celui qui me semble avoir le plus de sens, le plus de consistance, pour le coup. Inversement proportionnel à ma situation, on va dire. Ce qui me fait dire que c'était moi, l'inconsistant, le transparent dans l'histoire c'est que même les gens qui passaient dans la rue ne me voyaient pas. Ou alors faisaient-ils semblant, de crainte qu'un taré les agresse sauvagement à l'arme blanche ? Je n'en sais rien. J'en doute. Pas un seul n'aura tourné la tête ni même esquissé un regard dans ma direction.

Depuis longtemps, je me doutais. Depuis longtemps, je luttais contre l'inévitable. Celui où tout devait s'écrouler. S'entrechoquer avec une telle puissance que la poussière se serait retrouvée en suspension dans l'air pendant des années. Il aurait fallu compter les os, choisir les bons, les remettre en place. Un putain d'ossuaire, des catacombes à ciel ouvert, sur des milliers de kilomètres. Tout reconstruire, morceau par morceau. Prétendre qu'au final, c'était pas grand chose et qu'on a réussi. Oublier qu'on a galéré, qu'on a eu envie d'abandonner plus d'une fois et de se suspendre à une poutre avec ce qui nous passait sous la main. Oublier, aussi, les moments de tension, ceux qui donnent envie de frapper dans tout et n'importe quoi, du moment qu'on évacue la colère et l'énervement grandissant. Toute cette frustration emmagasinée. Compter les os pour se reconstruire et passer à autre chose. Changer de peau. Penser différemment. Think different, comme dirait l'autre. Et pour faire quoi ? Suivre la masse. Bien joué. Fouiller les décombres pour tenter de trouver quelque chose de viable, quelque chose qui tient encore la route malgré les dégâts. Tenter de reconstruire un semblant de vie. Comme la créature de Frankenstein. Quelque chose pas forcément esthétique mais qui tiens la route. Et qui vit. Du moins qui survit.

J'étais perdu dans les ténèbres. Au loin, une cloche résonnait. Comme Big Ben, en plus lourd, plus plaintif et plus long. Tout était désert, comme après l'apocalypse. Comme si toute la Terre se retrouvait figée dans un autre espace temps. Comme si le gel du mois de janvier montait au sommet de la Tour Eiffel. Comme si plus rien n'avait d'importance. J'étais debout, je commençais à geler au mois d'août. Dériver lentement, me laisser porter, ne plus rien sentir. Enfin sombrer. Enfin en finir. Il y avait quelque chose de rassurant. J'aurais aimé te dire, enfin une dernière fois, combien de fois c'est toi qui m'a donné la force de relever le front, de remonter du fond, qui m'a montré le ciel, quand il était bleu.

Juste une minute, juste une dernière chance avec toi. Je peux tout abandonner, tout, pour toi. Mais on ne peut pas remonter le temps, et je vois, à travers mes larmes, les lumières s'estomper, le jour s'en aller. Fuir, juste fuir, ne plus faire demi-tour. Ma grosse erreur ? Ne pas savoir ce que j'aimais, jusqu'à ce que ça se délite. Et il est trop tard. Maintenant il est trop tard, et je vois les ténèbres à travers les fissures de ton mur. Je les laisse alors s'échapper de la brèche et m'entourer. Nous ne faisons plus qu'un. Finalement, c'est confortable. And I've become comfortably numb. Je te vois te lever, venir à la fenêtre, avec cette tristesse dans ton regard, quelque chose d’indicible, avant que tu ne refermes les rideaux et que seules les ombres demeurent. Peu importe la place que tu décideras de prendre dans mon coeur, elle sera toujours à toi.